S.C. : Qui est Yan Wagner?
Yan Wagner : Alors qui est Yan Wagner… Je suis né à Paris, je suis franco-américain, je fais de la musique depuis 15 ans et je sors mon album bientôt !
S.C. : Ça fait combien de temps que tu t’es lancé en tant que professionnel ?
Y.W. : C’est difficile à dire… Je vis de la musique depuis à peu près 2 ans. Avant ça, j’avais beaucoup de projets différents : j’ai beaucoup joué dans les groupes en tant que pianiste, claviériste, surtout du synthé etc. Je me suis mis à chanter avec un projet qui s’appelait Chairs On Backs, c’était en 2006 à peu près, on a sorti un maxi. On peut dire que c’était la première étape pour moi, c’était un premier disque. Ça devenait quelque chose d’un peu sérieux avec un disque, un label indépendant qui s’appelle Missive Music à Paris. Ça nous a également permis d’aller jouer à l’étranger, en France en dehors de Paris, dans de vraies salles de concert. C’était ma première approche de ce genre de circuit là. Ensuite je suis parti à New York en 2007, ce qui m’a permis de me mettre à faire de la musique vraiment seul. J’étais un peu obligé parce que je n’avais personne avec qui en faire. Et là, je me suis vraiment mis à écrire des chansons, c’était la première fois que je commençais à faire ça dans une perspective très pop tout en restant quand même très «électronique » parce qu’au départ c’est ce que j’aime : la techno et dérivés on va dire… Je suis resté un an à New York et quand je suis revenu, ça a commencé à devenir un peu plus excitant puisque c’est la première fois qu’on m’a proposé des concerts. Il a quelque chose qui s’est passé, je ne sais pas quoi… Mais j’ai éveillé l’intérêt chez certaines personnes. Donc 2-3 ans de beaucoup de concerts et ensuite cet album qui est un peu l’aboutissement de 3-4 ans de travail.
S.C. : Qu’est ce qui a favorisé le fait que tu t’investisses pleinement dans la musique ?
Y.W. : En 2007, j’étais encore étudiant. J’étais à New York parce que j’avais fait un échange avec ma fac, j’étais à Columbia pour ma première année de thèse. Donc j’avais encore cette activité de chercheur, que j’ai gardé pendant deux ans jusqu’en 2009 à peu près, plus un boulot pour gagner de l’argent. Et c’est effectivement à mon retour à Paris qu’il y a eu les « premiers signes » : j’ai commencé à avoir une manageuse (Caroline Voisin) qui a montré de l’intérêt et ensuite un tourneur (Alias production) etc. Je pouvais raisonnablement me dire que la thèse demandait trop de travail et que je ne pouvais pas faire les deux. J’ai également abandonné petit à petit le travail que j’effectuais dans une boîte de vins. Maintenant, je ne fais plus que de la musique, mais ça s’est fait progressivement. Je n’avais pas les moyens de me jeter totalement dans cette activité parce qu’il faut quand même payer un loyer … C’était un processus de 2-3 ans en fait.
S.C. : Avais-tu un autre objectif avant de te lancer dans la musique ?
Y.W. : Mon objectif c’était toujours de faire de la musique. Ça a toujours été ça. J’avais vraiment envie d’en faire. À partir du moment où j’ai commencé à en faire, j’ai toujours eu envie d’en faire et presque envie de faire que ça tout le temps. J’ai même essayé d’être pianiste il y a 5-6 ans, d’être musicien en tant qu’intermittent mais je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout ça que je voulais faire. J’ai ensuite repris mes études d’Histoire jusqu’à la thèse. Mon objectif c’est de ne faire que de la musique, parce qu’effectivement c’est comme ça qu’on produit de bonnes choses. Pour le moment j’ai de la chance, mais je ne considère pas que ce soit quelque chose d’acquis. Si ça ne rapporte pas d’argent, il faut bien en gagné d’une façon ou d’une autre… Et si c’est le cas, je me vois très bien reprendre une activité d’historien et faire de la musique à côté.
S.C. : Est-ce dur de vivre de son art lorsqu’on est un artiste « en développement » ?
Y.W. : C’est dur. Mais c’est un choix et tu le sais. Tu as très peu d’assurances sur le fait que ça fonctionne. Au niveau pragmatique, la sécu et le reste c’est très compliqué, mais ça fait partie du choix. Mais oui, c’est difficile.
S.C. : Quelle importance attaches-tu au spectacle vivant ?
Y.W. : La scène c’est la finalité de ce que je fais en studio. Pour moi c’est vraiment important de défendre les titres sur scène même avant que ce disque existe. Ça m’a permis de savoir quelles morceaux étaient valables, pas vraiment vis-à-vis d’un public mais vis-à-vis de moi-même parce qu’on réalise la valeur de nos réalisations que lorsqu’on les confronte à quelqu’un. Je crois encore à ce circuit un peu Old School où l’on fait des concerts, on en fait pleins. On rencontre un public et surtout on apprend à se connaitre sur scène, à vraiment assurer même si on fait toujours des progrès. À ce circuit où l’on se sent bien sur une scène avant de sortir un disque. Pour moi, c’est vraiment important, je ne me vois pas juste faire que des disques. Et le disque ne se conçoit pas sans concert : c’est le plus important.
S.C. :Quels sont les genres musicaux et les artistes qui t’ont influencé?
Y.W. : Au niveau des influences, il y a énormément de choses… Il y a d’abord la techno américaine de Détroit et la House de Chicago de la fin des années 80’ – début des années 90, le début de ce mouvement là. C’est vraiment les premières choses que j’ai écoutées. Évidemment en écoutant cela, je suis allé plus loin car ces mecs là ont été influencés par des allemands comme Kratwerk, que j’ai également beaucoup écouté. Il y a aussi David Bowie que j’admire beaucoup, c’est un mec qui couvre un terrain incroyable, par exemple son album « Low » qu’il a travaillé avec Bryan Eno, je trouve ça magnifique. En plus ça reste de la pop. La production est hyper audacieuse, et j’ai tendance à beaucoup aimer ceux qu’on étiquette de « faussaires » : David Bowie a eu beaucoup d’attaques, on l’a considéré comme opportuniste, comme Miles Davis qui est portant un des plus grands… Parce qu’ils savaient sentir l’air du temps et ils savaient s’entourer et donc effectivement ils ont attiré toute la « fame », mais au final ce sont des mecs qui ont mis leurs empreintes, ils ont mis les projecteurs sur des mouvements qui seraient restés dans l’ombre autrement. Après Depeche Mode, New Order… Ce sont des filiations évidentes, ce sont vraiment des groupes que j’aime et j’assume complètement.
S.C. : Est-ce que tu considères ta musique comme dans une réactualisation ou une réinvention de ces influences musicales ?
Y.W. : Je réfléchis pas trop à ma pratique, on est obligé de s’appuyer sur des choses. Pour moi l’intérêt n’est pas de faire la musique exactement comme dans les années 80. Je n’utilise pas les mêmes outils même si j’utilise de vieux synthés et on est à l’ère du numérique, la façon d’enregistrer n’est pas la même. J’ai des influences et des groupes que j’aime, je pense que ça s’entend. Pour nous (avec Arnaud Rebotini qui a produit l’album) l’idéal c’était d’avoir un disque qui puisse résister au temps, que ça ne sonne pas trop 2012 et que ça ne soit pas trop référencé non plus. Je pense que dans cet album, il y a pleins de choses qui s’écartent des groupes dont je te parlais. L’idée c’était vraiment d’avoir quelque chose d’assez intemporelle finalement, mais c’est difficile à dire…
S.C. : Tu es auteur-compositeur-interprète de ton album, quelle place as-tu accordé au processus de création artistique de ce projet ?
Y.W. : Pour faire la musique, je me suis trouvé dans une configuration où j’étais seul à New York donc j’ai écris tout seul. C’est aussi une période où j’en avais un peu marre des groupes, parce qu’en général il fallait faire beaucoup trop de compromis et parce que ça n’aboutissait pas trop. Je faisais également partie d’un groupe qui s’appelle Flying Turns, groupe qu’on a mis en « sommeil » parce que pour moi ce projet c’etait ma priorité, c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur où j’ai tout fait de A à Z. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai pas cherché de pseudo ou de nom, je me suis dit que j’allais prendre mon vrai nom parce que c’est vraiment moi qui ai tout fait et que j’avais vraiment envie d’embrasser ce truc jusqu’au bout.
Donc voilà… J’ai tout fait et j’en suis très fier ! (rires) Après pour en revenir sur Arnaud, le fait qu’il produise le disque et qu’il y mette sa patte, c’était quelque chose d’assez difficile au départ, le fait de donner quelque chose à quelqu’un pour qu’il en fasse une autre chose… Mais je suis content parce qu’au bout d’une semaine on a trouvé le son et après c’est allé vite. On s’est bien marrés en plus. C’est vraiment quelqu’un en qui j’ai confiance de manière générale. C’est quand même bien d’avoir une oreille extérieure qui donne son point de vue et d’avoir l’avis de quelqu’un avec une carrière longue, c’est pour cela que je n’ai pas produit l’album moi-même.
S.C. : Ton premier album « Forty Eight Hours » sort le 01 Octobre chez Pschent / Wagram. Pourquoi ce label parisien et pas un label new-yorkais ou une major ?
Y.W. : J’ai fait un truc en début d’année avec le label new-yorkais qui s’appelle Uno, c’est un label qui fait que du vinyl mais j’avais envie de le faire. Pour le coup c’était vraiment un « one shot » : il y a deux morceaux, deux remixes, super. C’est allé très vite et c’était très bien parce que c’était plus dans une optique de « maxi ». Pschent… On s’est rencontré, le courant est bien passé. Je ne suis pas allé les voir en fait, ils ont entendu parler de moi et ils sont venus me voir. Je leur ai fait écouter des choses et le courant est très bien passé. Ils me donnaient de bonnes conditions pour travailler en me permettant d’avoir un producteur réputé à mes côtés. Les conditions étaient toutes réunies pour que ça se passe bien. Les groupes qu’ils ont signés ces deux dernières années sont biens et je n’ai pas honte de dire que je suis chez eux. C’est vraiment important. Ensuite major ? Je pense que quand tu es en « développement », il ne faut pas parce qu’ils ont pleins d’autres priorités. Pschent a sorti mon disque et c’est le seul truc qu’ils font en ce moment, après il y aura d’autres projets mais ils restent concentrés à 100%. Leur temps est vraiment employé à ce que la sortie se passe bien, que le disque soit bien fait. En major, parfois ça se passe très bien, mais ils sont dans une stratégie que je ne comprends vraiment pas. De toute façon, je n’ai pas eu de proposition et même si j’en avais eu je suis persuadé que j’aurais dit non. Si je dois y aller, ça sera une fois vraiment confirmé: une fois que tu as un poids et que tu peux réclamer des choses.
S.C. : « Forty Eight Hours »… A quoi devons-nous nous attendre ?
Y.W. : C’est un album nocture, pop et qui fait danser. Pas que dansant parce qu’il y a un morceau très lent qui s’appelle « Le Spleen de l’officier », mais très nocturne. J’ai invité Etienne Daho dans cet album sur « The Only One » parce que je suis un grand fan. J’ai eu la chance de le rencontrer, je lui ai proposé un peu au culot, il a dit oui et c’est parti !
S.C. : Dans quel état d’esprit te trouves-tu à quelques jours de la sortie de ton album ?
Y.W. : J’ai très très hâte qu’il sorte parce que la musique est finalisée et masterisée depuis fin mars à peu près, même si y a le travail sur la pochette qui a pris un peu plus de temps. Je suis content que ça sorte, d’avoir des critiques positives et négatives. Je suis super excité que ça sorte enfin, je ne peux plus trop attendre…
S.C. : Et quelles sont tes attentes ?
Y.W. : Ma première attente est qu’il y ait de grosses tournées qui se fassent, c’est mon attente principale. J’ai vraiment envie de jouer le plus possible, partout. Ma deuxième attente est d’entamer le prochain album… Qui est déjà commencé.
S.C. : En regardant tes pochettes et ton clip, tu renvoies de la sobriété et de l’élégance mais aussi un coté sombre et mélancolique. Est-ce que cela correspond à ta personnalité ?
Y.W. : Ouais sûrement. Déjà la sobriété était quelque chose d’important. Je travaille principalement avec une photographe qui s’appelle Marie Athénaïs qui a fait la pochette, les photos de l’album en plus d’une vidéo du groupe avec lequel j’ai joué précédemment. Elle a également fait la conception des vidéos qui seront dans le nouveau live. J’aime beaucoup son univers qui est un peu sombre et mélancolique. Et je suis certainement une personne comme ça. Et puis l’album est dansant avec de la retenue. Ce n’est pas forcement triste ou sombre mais c’est retenu, sobre et je voulais que le disque reflète ce truc là. Sur scène je ne crie jamais, je suis flegmatique, je ne suis vraiment pas quelqu’un de nerveux. Le noir et blanc traduisait bien cela, sans fioriture.
S.C. : Pour finir, en 2020 tu te vois où, comment, et faisant quoi ?